A la mort de Jacques Chirac, deux traits de sa personne nous resteront en mémoire: sa culture et son cran, assortis de l'habileté à toujours cacher son moi.
Jacques Chirac n'est plus, et alors que se multiplient les hommages à l'ancien président, trois aspects de son personnage resteront chers à notre souvenir: sa culture, son courage et l'humilité qui porte à ne faire étalage ni de l'un ni de l'autre.
Le savoir d'abord: Chirac était fin connaisseur des arts d'Asie. Non pas un «amateur éclairé» – il y en a tant – mais bien un connaisseur: des experts le consultaient, on allait le voir, de loin parfois, pour lever quelque incertitude sur la classe générique d'un vase Ming ou d'une céramique Song. Vous l'ignoriez? C'est qu'il n'en faisait pas un fromage, Chirac, il était homme de culture mais, à rebours d'un Mitterrand, ne l'inscrivit pas en frontispice de son magistère.
Féru d'«arts premiers» surtout, Chirac inaugura en 2006, sur le quai Branly à Paris, un musée qui leur est dédié. Lecteur des grands paléontologues, comme Yves Coppens, Chirac croyait en l'unicité du genre humain.
De l'Afrique, il dit un jour qu'elle était «le berceau de l'humanité», à une époque où d'autres estimaient que cette même Afrique n'était pas entrée encore dans l'Histoire. Est-ce sa culture de l'ancien qui nourrit son respect du passé et les égards qu'on lui doit? Chirac fut l'homme du «devoir de mémoire», qui reconnut la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs.
Plongée parmi les fellaghas
Le courage ensuite. L'épisode figure dans une vieille biographie par Franz-Olivier Giesbert, nous citons de mémoire. Chirac est capitaine, il sert en Algérie. Les fellaghas, en Algérie, se terrent dans des trous, comme le feront les Vietcongs plus tard en Asie.
Un seul moyen de les dénicher: y aller, dans le trou. Y descendre comme le chasseur de cobras au Rajhastan va au nid. Trop grand était le risque pour qu'on y commît un homme d'office: on demandait un volontaire. Qui répondait à l'appel? Oui: Chirac! Le courage non pas comme vertu platonicienne mais comme consentement à risquer sa peau.