
Dans son centre de Dormagen (Allemagne), Hydro trie des déchets en aluminium consommé pour les réutiliser. Grâce à des équipements de dernière génération, l'entreprise a réussi à diminuer fortement l'impact environnemental de son procédé.
Après avoir franchi la bascule à l’entrée, les camions déversent leurs déchets à même le sol. Profilés, jantes de voitures, poteaux… Des montagnes d’objets consommés en aluminium s’accumulent dans le quartier de Saint-Peter à Dormagen (Allemagne). Sur ce site racheté par Hydro en 2015, ils entrent sous forme de déchets bruts et sont digérés. Broyés en morceaux, triés, broyés de nouveau, retriés. Environ 80% de ce qui entre ressort sous forme de « chips » : des petits morceaux de quelques centimètres d’aluminium purifié. L’objectif est d’alimenter une usine située à 200 km de là, à Clerveaux (Luxembourg), pour produire un aluminium constitué d’au moins 75% d’aluminium recyclé post-utilisation : le « 75R ». Un produit commercialisé par l’entreprise norvégienne depuis 2018.
Recycler l’aluminium permet de réduire son empreinte carbone en évitant deux étapes particulièrement énergivores et émettrices de CO2 liées à sa production : la transformation de la bauxite vers l’alumine et l’électrolyse de l’alumine vers l’aluminium. En triant l’alliage consommé et en le réincorporant, la production d’un kilogramme d’aluminium « 75R » n’émet que 2,3 kg d’équivalent CO2 (kg CO2eq) selon Hydro qui précise que les émissions moyennes en Europe sont de 6,7 kg CO2eq/kg d’aluminium produit. Un chiffre qui grimpe à 8,6 kg CO2eq/kg en incluant les importations. « Faire fondre une tonne d’aluminium ne demande que 5 % de l’énergie nécessaire à la production du même volume à partir de la bauxite, précise Jean-Marc Moulin, directeur développement durable chez Hydro. De plus, la refonte peut être faite éternellement, jusqu’à ce qu’il y ait trop d’impuretés. »
Tri sélectif aux rayons X
Le développement de produits à partir d’aluminium recyclé post-consumé n’est d’ailleurs pas nouveau, relève M. Moulin : « En le diluant, nos métallurgistes ont essayé d’en incorporer de plus en plus. Ils se sont rendu compte que des problèmes d’extrudabilité apparaissaient au-delà de 60 % ou 65 % à cause des impuretés résiduelles. Mais nous ne savions pas mieux le nettoyer. »
Depuis 2013, une machine de tri sélectif aux rayons X améliore la pureté de l’aluminium en sortie. « Sans elle, il nous serait impossible d’atteindre le niveau requis, affirme Jean-Marc Moulin. On estime qu’il existe une dizaine de ces machines en Europe, mais la nôtre est la seule dédiée à l’aluminium. Par rapport au tri optique, idéal pour les matières plastiques ou encore le bois, le rayon X a l’avantage de pouvoir mieux ségréguer les alliages métalliques. » L’inconvénient étant son prix plus élevé et la nécessité d’un blindage.
Chasse aux métaux lourds
Un bruit assourdissant envahit la pièce occupée par l’imposante machine. Par le hublot, les pièces de métal défilent à 4 m/s sur un tapis roulant. Les rayons X déterminent la densité de chacun des fragments. Les intrus - zinc, cuivre, métaux lourds,… - sont évacués par des jets d’air. « Environ 3% des fragments qui entrent sont rejetés », précise Jens Drückhammer, responsable du site de Saint-Peter. Une pluie de fragments exclus s’écrasent plus bas dans une benne, tandis que les autres continuent leur chemin sur le convoyeur.
Le tri aux rayons X n’est qu’un élément d’une chaîne de tri plus longue composée de plusieurs étapes et qui mobilise 5 personnes en permanence. Deux équipes se relaient cinq jours sur sept. Du haut de sa tour de contrôle, le responsable du process a une vue imprenable sur le tas de déchets qu’il introduit en début de chaîne. Dehors, son collègue manipule une pelleteuse qui attrape des grappes d’aluminium consommé et les jette dans la pré-cisaille : point de départ d’une succession de convoyeurs, de broyeurs successifs et de séparateurs par courants de Foucault. Le tout sous l’œil de caméras qui retransmettent chaque étape en direct.
La juste taille
Afin d’obtenir des fragments plus petits pour un tri plus fin, un même procédé est répété deux fois. « Plus on broie finement, meilleur sera la pureté en sortie, précise Jens Drückhammer. De plus, la machine de tri aux rayons X a besoin de fragment suffisamment petits. Toutefois, les pièces inférieures à 10 mm ne sont pas reconnues par le système. » En amont des broyeurs, des opérateurs effectuent un contrôle visuel pour retirer les pièces trop grosses passées entre les mailles du filet et qui risqueraient de tout bloquer.
Après celle du Luxembourg, une deuxième usine de fabrication d’aluminium « 75R » devrait voir le jour en Espagne d’ici deux ans. L’aluminium trié viendra-t-il d’Allemagne ? S’il ne peut pas répondre à la question à l’heure actuelle, Jean-Marc Moulin admet toutefois que transporter par la route de l’aluminium à travers l’Europe pour faire un produit bas carbone n’aurait pas vraiment de sens.

Après un premier broyage, les morceaux d’aluminium font entre 20 cm et 40 cm.

Les fragments trop gros pour les broyeurs sont écartés à la main.

En bout de chaîne, une pluie de « chips » d’aluminium d’une grande pureté.

Le plastique résiduel, écarté lors du processus de tri, est également stocké et valorisé.

Une mini-fonderie permet de fondre l’aluminium trié pour vérifier ses propriétés.